Aujourd'hui, je vous propose l'interview de Barbara Cordier, créatrice d'une maison d'édition spécialisée dans la littérature fantastique et horrifique.
Tu es la créatrice de la
maison « Éditions Luciférines ». Peux-tu nous raconter la genèse de
cette entreprise ? Comment est-elle née dans ton esprit et comment as-tu
concrétisé ce projet ? Pourquoi ce nom ?
Je savais que je voulais travailler dans l’édition depuis de nombreuses années
mais je ne pensais pas monter ma propre entreprise si vite. L’idée m’est venue
pendant ma dernière année de master, puisque je devais imaginer un concept
éditorial original. J’ai donc réfléchi à ce que je voulais publier, de la
littérature « différente », plutôt dérangeante, voire insolente, mais
ce n’était pas suffisant pour créer une image de marque claire. Je me suis
alors fait la réflexion que le fantastique traditionnel et l’horreur étaient un
peu en retrait dans le secteur. Les deux idées se rejoignant, j’ai imaginé la
première anthologie, Nouvelles Peaux, des réécritures des Histoires Extraordinaires d’Edgar A. Poe. J’avais déjà travaillé
sur un petit essai consacré à la culture gothique pour un autre travail de
cours. J’ai voulu continuer aussi loin que possible.
En ce qui concerne le nom, il fallait quelque chose de percutant pour de la
littérature horreur, mais qui n’aille pas trop dans le cliché. Le mot
Luciférines réveille de suite une imagerie démoniaque dans l’esprit des gens
et, pourtant, il s’agit tout bêtement du nom d’une molécule luminescente que
possèdent poissons des abysses et insectes nocturnes. Nous sommes dans
l’horreur, mais nous faisons avant tout de la littérature. J’aimais l’idée de
« créer sa propre lumière dans l’obscurité ».
Depuis sa création en 2013,
ta maison a publié 4 ouvrages. Peux-tu nous les décrire ? Quels sont tes
inspirations et critères dans le choix des textes ?
Le premier titre est un petit guide sur la culture gothique, à l’usage de ceux
qui aimeraient comprendre ou des plus jeunes que ce monde attire. Étant proche
de ce milieu depuis plus de dix ans, et ayant souvent eu à expliquer l’intérêt
que j’y trouvais à des personnes bouffies de préjugées, commencer par cette
publication était assez symbolique.
L’anthologie « Nouvelles Peaux » était un bon moyen de revendiquer
plus clairement la ligne éditoriale des Luciférines en remettant Poe, un maître
du fantastique, au goût du jour. La dernière anthologie, Maisons Hantées,
propose un thème un peu plus large, qui permet cette fois davantage aux auteurs
de se lâcher dans le subversif.
Le recueil Sténopé a été sélectionné parmi les manuscrits proposés spontanément
par les auteurs. Il s’agit d’un recueil d’histoires horrifiques ou fantastiques
par un jeune auteur, Julien Roturier.
J’attends des textes que je publie des qualités littéraires, c'est-à-dire une
plume affirmée et une histoire bien structurée. Quand ces conditions sont
remplies, je dirais que 80% des critères pour être publiés sont remplis. La
petite différence se fera ensuite au niveau de la ligne éditoriale. Il faut
quelque chose d’assez noir, et éviter trop de bons sentiments. Je tiens sur ce
point à garder une ligne cohérente.
Tu es également nouvelliste.
Tu as notamment signé une nouvelle pour l'anthologie « Robots » et
une autre dans « Antho-Noire... pour Nuits de Légendes ».
Sous un pseudonyme, tu as aussi écrit « Ils iront tous à la morgue »
pour Nouvelles Peaux. Comment as-tu commencé à écrire et pourquoi avoir
préféré un pseudonyme pour certains textes ?
Je crois que j’ai toujours eu besoin d’un moyen intermédiaire d’expression. Je
dessinais beaucoup quand j’étais toute petite, et je suis passée à l’écriture
dès que je me suis sentie assez à l’aise avec. J’ai encore une sorte de livre
que j’avais construit, rédigé et illustré moi-même avec des feuilles pliées et
du papier cartonné de couleur à huit ans. Je n’ai pas arrêté d’écrire
depuis : des débuts d’histoire, du jeu de rôle sur forum, et même quelques
nouvelles dès onze ans. Je dirais que j’ai fait ma première nouvelle vraiment
aboutie à seize ans, mais j’ai attendu mes 23 ans pour m’oser à la publication
papier, dans le journal de ma fac. J’ai pris le pseudonyme Unity Eiden pour
cela parce que je n’avais pas forcément envie de me faire remarquer par mes
enseignants et camarades de promotion, ou qu’il soit possible de me retrouver
facilement en tapant mon nom sur internet pour lire les textes que j’y publiais
aussi. Avec « Nouvelles Peaux », j’ai gardé le pseudonyme pour les
mêmes raisons, et aussi parce que je voulais pouvoir défendre les auteurs de
l’anthologie au même niveau sans que l’on s’intéresse de suite à mon nom au
sommaire. À force de faire des salons, je suis devenue un peu moins sur la
réserve et je me suis aussi rendu compte que jouer avec deux noms était assez
ennuyeux. Je reste désormais sous la même identité pour tout.
Quels sont tes projets en
cours pour Luciférines ?
En septembre, les Luciférines publieront leur premier roman, un thriller bien
déjanté qu’il me tarde de présenter aux lecteurs. J’espère pouvoir augmenter
doucement le rythme des publications afin de proposer des choses plus
diversifiées. D’ici fin 2016, nous devrions avoir un titre plus axé sur
l’illustration, et d’autres romans. Nous gardons aussi la
« tradition » d’une anthologie par an. La prochaine paraîtra en mars
prochain et aura pour thématique les chats. Dans tous les cas, les publications
resteront axées sur des univers assez sombres.
Merci Barbara d'avoir accepté de répondre à mes questions !
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Merci pour ce partage très intéressant. J'aime beaucoup l'assurance et les choix fermes de Barbara Cordier. C'est courageux de sa part de s'être ainsi lancée dans l'aventure de l'édition.
RépondreSupprimerBonne journée Jeanne
Merci !
SupprimerSuper article, c'est intéressant de voir le point de vue des petites maisons d'éditions qu'on entend que trop peu!
RépondreSupprimerJe trouve également très chouette de prendre le partir pris de l'horreur et du sombre, qui sont des genres souvent délaissés, à tort je pense.
C'est en effet un genre qui mériterait d'être plus (re)connu !
SupprimerMerci de nous avoir lues et bon week-end.
Greatt blog
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